- Construisez des relations sécurisées : la prévisibilité du comportement d’autrui (que l’on accepte bien évidemment) est la base de la confiance. Vous n’êtes pas obligé d’être gentil, mais juste prévisible. Mais n’oubliez pas qu’être méchant est un choix. Soyez juste.
Si les loups pouvaient parler, ils nous expliqueraient que les relations les plus longues sont celles qui procurent un confort émotionnel. Ce confort est apporté par le fait que l’on peut être certain que notre patron ou conjoint ne va pas crier pour un oui ou pour un non et ensuite faire semblant que tout va bien. Il s’agit alors d’une relation où vous savez avec certitude que vous êtes en sécurité émotionnelle. Les signaux, verbaux et non-verbaux, sont alors clairs et cohérents. Du point de vue d’un loup, la meilleure relation est celle où chacun sait à l’avance comment l’autre se comportera dans chaque situation spécifique, ce à quoi il faut s’attendre.
Chez les loups, les expressions d’affection font partie du rituel quotidien de communication. Les conflits et les combats consomment beaucoup d’énergie et les blessures sont extrêmement néfastes pour la meute, car un loup blessé signifie un chasseur de moins. Les combats sont donc rares.
Les démonstrations se font souvent en présence de nourriture et sont ritualisées : les loups démontrent plus qu’ils n’agissent réellement. En d’autres termes, ils menacent plus qu’ils ne déchirent l’adversaire en lambeaux. Par rapport aux chiens, les loups se réconcilient plus vite : pour ceux qui ont des objectifs communs, et donc interdépendants, le conflit ne peut durer longtemps car il nuit alors à tous.
Savez-vous que la fréquence de communication (tous canaux confondus) dans une meute est de 6 fois par heure en moyenne pour chaque individu ? Si les loups sont actifs 12 heures sur 24 – qu’est-ce qu’un loup « dit » exactement à ses proches 72 fois par jour ?
Chaque membre de la meute est important (tant que les ressources sont suffisantes pour tout le monde), c’est un axiome de l’existence de la meute. La hiérarchie dans une meute sauvage n’est pas linéaire, comme on pouvait le penser autrefois. Il y a des parents et leur progéniture. Les premiers, comme dans toute famille, aux commandes, les derniers sont aux ordres. Et entre tous les membres de la meute, il existe des relations personnelles, dyadiques que l’on pourrait qualifier comme chez les primates d’amitié. Ces dyades ne sont pas toujours pérennes dans le temps et peuvent varier de manière saisonnière.
Chaque loup a ses propres amis, pour lesquels il fait preuve de toutes sortes de tendresse : cherche des parasites dans sa fourrure, lui lèche les oreilles, joue avec lui… on les voit aussi s’allonger, blottis les uns contre les autres. Il y a aussi une démonstration de force et de puissance, mais c’est plus un rituel qu’une véritable agression : quand les petits grandissent, ils jouent jusqu’à ce qu’ils découvrent lequel d’entre eux est le plus agile, le plus fort, le plus intelligent et le plus rusé. L’un des secrets des loups est que chacun sait en quoi il est plus fort ou plus faible par rapport à son frère ou sa sœur, ils le découvrent au tout début de la relation, sur une base amicale.
Chacun a ses propres compétences. Il n’y a pas de profiteurs dans la meute. L’idée qu’en bas de l’échelle hiérarchique se trouvent les moins compétents n’existe pas. C’est notre vision anthropomorphique.
La méchanceté et la malveillance n’existent pas chez les loups. Il y a des signaux d’agression – une demande claire pour que le camarade s’en aille, parce qu’on est concentré par exemple sur notre ressource. L’agression est souvent confondue avec la méchanceté (« grand méchant loup » est bien ancré dans l’imagination collective), mais en fait c’est une démonstration d’un désir d’augmenter les distances. C’est de la communication. « Je mange, tu me déranges ». La méchanceté c’est tout autre chose : c’est faire du mal exprès à l’autre. Les loups en sont incapables quand bien même il peut y avoir des individus avec un tempérament plus agressif ou moins patient.
Chez les loups, la réconciliation après un conflit est initiée – presque sans exception – par le loup subalterne. Chercher la réconciliation ne signifie pas « demander pardon », ce dernier est un concept exclusivement humain. La réconciliation c’est d’abord une expression active d’affection et d’amour, malgré le conflit passé. Elle ne consiste pas à découvrir qui a raison, car pour les loups, dans le contexte de la survie, cela n’a aucun sens. C’est une occasion de continuer à poursuivre une cause commune. C’est un accord sur le fait que les relations (et une cause commune) sont plus importantes que les intérêts personnels. « Nous voulons continuer à être ensemble parce que c’est mieux que d’être seul » : les deux parties sont d’accord avec cela. Il y a un désir sincère de continuer à vivre et à chasser ensemble. Mais l’initiateur de la réconciliation a toujours le rang plus bas que son « adversaire ». Une telle règle élimine les doutes et donc le temps perdu sur qui devrait commencer la régulation du conflit.
Chez les humains c’est bien sûr différent. Si une personne ne va pas – facilement – à la réconciliation, pensez-y. Peut-être qu’elle ne veut pas finalement continuer son chemin avec vous ? Autrement dit, vous perdez votre temps. Elle ne reconnaît pas votre valeur en tant que membre de sa « meute » et ne vous montre pas que vous êtes important. C’est son choix. Si vous non plus, c’est le vôtre.
Accepter que vous ne soyez pas important est difficile. La personne qui ne reconnaît pas votre valeur veut peut-être vous contrôler de cette manière, en vous plaçant dans une posture de soumission permanente. En ce cas, n’oubliez pas qu’il est facile de trouver quelqu’un d’autre qui apprécie vos compétences et votre personnalité, et faire votre propre choix. Rappelez-vous que le harcèlement n’existe que dans les milieux clos où il n’y a pas de possibilité de partir. Cela n’existe pas dans la nature.
La malveillance a quant à elle toujours un objectif précis. Elle implique souvent une préméditation d’actions. La tromperie intentionnelle existe notamment chez les chimpanzés, génétiquement très proches des humains. Ils se nourrissent principalement des fruits et des feuilles et n’ont pas besoin de compter sur les autres pour se nourrir, ils ne chassent que rarement ensemble. Mais pour s’emparer du meilleur morceau ou devenir chef, ils développent des stratégies qui incluent des cachoteries voire des meurtres des membres du groupe.
Nous, les humains, sommes coincés entre la génétique et les objectifs de notre vie. Nous n’arrivons pas à décider : nous résolvons des problèmes complexes, comme les loups, et/ou nous nous battons pour le meilleur morceau, comme les primates.
Mais le comportement, pour l’humain, est avant tout un choix.
Wolf Project, 2020
Image : Lucy Campbell (http://www.lupiart.com)