Anne Frézard, la responsable d’exploitation du Parc Argonne Découverte
L’Homme au Néolithique enfermait déjà des animaux sauvages, pour la chasse. Sous l’antiquité, on possédait des animaux sauvages pour des raisons très diverses : l’apparat, les jeux de cirque, les représailles, les croyances…En Europe, l’animal sauvage était un symbole de puissance et de richesse et sa possession était réservée à la noblesse.
Les choses commencent à changer au XVIIIème siècle avec l’apparition des muséums. On commence alors à collectionner les animaux capturés lors des expéditions coloniales à des fins de recherche et ensuite de distraction pour le peuple.
De nos jours, la visite du zoo reste avant tout une distraction familiale quand bien même, les visiteurs sont de plus en plus exigeants et font donc évoluer les objectifs de la captivité, et ce, dès les années 50. Aujourd’hui les parcs zoologiques doivent aussi assurer des missions de conversation, recherche et pédagogie.
D’autant plus que l’opinion publique change, se durcit quant aux traitements que l’on fait subir aux animaux, que ce soit au niveau des élevages, de la chasse ou de la captivité. L’opinion change et le sujet de la captivité devient un sujet politique, qui prend de plus en pus d’ampleur, notamment sur les réseaux sociaux.
Ce sujet est aujourd’hui devenu passionnel, épidermique, sulfureux, douloureux. Les arguments choc avancés ne sont pas toujours étayés par des faits. Concernée et impliquée dans le bien-être animal depuis de nombreuses années, je suis ravie de voir que les lignes bougent…Enfin il était temps !
Je suis éleveuse de faune sauvage en captivité. Je suis aussi responsable d’un centre de soin pour la faune sauvage. Docteur en Biologie, ayant fait des recherches sur le bien-être animal dans mon jeune temps, j’apprécie que l’on se pose des questions d’ordre éthique quant aux conditions animales dans les divers élevages et d’une manière plus générale notre relation à l’Autre.
N’importe qui a le droit de se questionner sur ce point, que l’on soit spécialiste, amateur ou opposant. Il semble que l’on soit à un tournant sociétal quant à notre relation au vivant d’une manière générale et c’est une bonne chose.
Comme toujours, on va avoir tendance à aller dans les extrêmes et vouloir interdire tout partout tout le temps. Mais il faut savoir raison garder et baser les choix sur des données factuelles.
Il est évident que toutes les espèces animales ne sont pas capables de subir les contraintes liées à la captivité. L’exiguïté des lieux, la présence ou l’absence de congénères, la proximité des humains, la routine ou au contraire les évènements imprévisibles sont des sources de mal-être qui peuvent engendrer des pathologies, parfois graves.
Certains établissements doivent faire des efforts en matière de bien-être animal et l’état doit les accompagner dans cette démarche. Mais arrêtons de diaboliser les parcs zoologiques.
Oui, nous gagnons de l’argent en présentant des animaux. Oui, la captivité peut être une source de mal-être pour des espèces, des individus. Et on a du travail à faire pour améliorer les choses.
Mais depuis que j’ai commencé dans ce métier, il y a plus de 20 ans, je vois les conditions s’améliorer. Le bien-être animal est devenu une préoccupation majeure des parcs zoologiques. Il y a aujourd’hui des moyens donnés aux animaliers pour faire plus que nourrir et nettoyer des enclos.
Et une chose est sûre. J’ai pu côtoyer de nombreux animaliers dans plusieurs établissements français. Les animaliers ont un métier difficile, stressant, fatiguant, voire usant. C’est loin d’être comme à la télé…Mais ils sont passionnés et ils aiment leurs animaux. Vous pourriez me rétorquer ça veut dire quoi aimer ? On met quoi derrière ce mot ? Ces gens font passer les besoins de leurs pensionnaires avant les leurs. Ils sont impliqués, investis, concernés. Ils vivent leur métier à fond. Je pense notamment en écrivant ces mots à Marjorie, Florian, Anne-Lise, Gil, Emmanuel, Anthony, Eve, Jessica et bien d’autres…
Alors oui, tout le monde peut avoir une opinion sur les zoos et sur ce que l’on y fait. Mais il s’agit d’un point de vue. Et je suis d’accord sur le principe qu’il faut améliorer les choses. C’est ce que nous faisons tous dans notre champ d’action.
Pour ma part, j’enseigne quelques principes de base aux futurs animaliers que je rencontre. Un principe très simple est de donner le choix aux êtres sous notre responsabilité. Donner des choix c’est diminuer les contraintes liées à la captivité.
Il y a des zoos plus ou moins bons en matière de bien-être animal. Des pratiques doivent disparaître. Des espèces ne doivent plus être reproduites en captivité. Mais on ne peut pas arrêter tout d’un coup. L’évolution est lente mais le mouvement est en marche. Le zoo de demain ne ressemblera pas à celui d’aujourd’hui. Et après demain il n’y en aura peut-être plus. Tout comme la grande majorité des espèces animales que nous connaissons aujourd’hui.
Mais ayons tout de même à l’esprit qu’il y a des animaliers, des hommes et des femmes, qui font du mieux possible. Et moi je leur tire mon chapeau.