1. Donnez et recevez : partager c’est un choix. Si on partage, la meute perdure. Si vous n’avez plus rien à donner, soyez clair avec vos co-équipiers : ils feront leurs choix.

Pour partager quelque chose, il faut d’abord avoir quelque chose. Comme le disait Sigmund Freud (en tous cas on lui attribue cette expression), « le monde est gouverné par la soif de pouvoir, le sexe et la faim ».

Si vous demandiez aux loups « qu’est-ce qu’une ressource ? », ils répondraient :

« La viande ! Beaucoup de viande ! Plus de viande possible !

– Ça se partage ?

– Bien sûr que oui ! Quand il y en a plein ! Même entre adultes ! »

Eh oui, contrairement aux chiens, les loups partagent leur nourriture avec leurs congénères lorsqu’elle est abondante.

« – Et quand il y en a peu ?

– Bien sûr que non ! »

Lorsque la nourriture est limitée, une hiérarchie rigide entre en jeu : d’abord, le couple parental se nourrit et nourrit les louveteaux. La meute mange ce qu’il reste, s’il en reste quelque chose.

L’accès aux femelles donc à la reproduction, n’est pas une ressource pour les loups, mais un « privilège » appartenant au couple parental, du fait de l’âge notamment (il y a des exceptions, mais elles sont rares). Pour acquérir ce privilège, vous devez soit quitter la meute, soit prendre la place du chef (cette dernière solution est très difficile à mettre en place).

Si on posait la même question aux grands singes (par exemple, aux chimpanzés qui sont les plus proches de nous du point de vue génétique), ils répondraient :

– La nourriture et les femelles ! Les fruits les plus mûrs et les femelles les plus délicieuses ! Ou l’inverse !

En 2009, en Allemagne, une étude portant sur les chimpanzés communs (Pan troglodytes) a révélé que les mâles qui sont prêts à partager leur nourriture avec des femelles, sont deux fois plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels que leurs compagnons plus avares. Ils augmentent ainsi la probabilité d’avoir une progéniture.

Les chimpanzés n’ont pas besoin de chasser « en meute ». Cela arrive en tous les cas très rarement. Les fruits et autres aliments poussent un peu partout, donc les singes quittent le groupe rarement à cause du manque de ressources alimentaires.

La reproduction est-elle un privilège ou une ressource ? Toujours chez les chimpanzés communs, dans un groupe, de nombreux mâles sont autorisés à s’accoupler, mais une hiérarchie est toujours présente et respectée. Les mâles, qui montent en grade, tuent souvent les bébés dont ils ne sont pas les géniteurs. Selon les dernières recherches publiées, les mâles augmentent ainsi la probabilité de devenir le père du prochain petit de la femelle en question, et aussi l’opportunité de s’accoupler rapidement avec elle, puisqu’elle ne nourrit plus son bébé. Les mères peuvent tuer aussi leur petit, mais pour une raison différente.

Autrement dit, chez les chimpanzés communs l’accès aux ressources – la nourriture et la reproduction, – est souvent soumis à des conditions. Chez les loups c’est beaucoup plus clair : c’est « oui » ou c’est « non ». Un chimpanzé suffisamment malin peut avoir l’accès à la place du chef et à la reproduction au sein de son propre groupe, tandis qu’un loup, s’il n’est pas « alpha », pratiquement jamais. Si les parents (alpha) disparaissent, la meute se disperse dans la plupart des cas.

Chez les bonobos, des chimpanzés « nain » (Pan paniscus), éloignés de nous à la même « distance » génétique que leurs frères Pan troglodytes, en termes de sexe, une anarchie totale règne : tous les mâles s’accouplent avec toutes les femelles du groupe, quel que soit leur rang. Il ne sert à rien de tuer les petits, car ils n’ont pas d’impact sur le pouvoir ou la reproduction. Un mâle ou une femelle peuvent diriger le groupe. Les bonobos sont des partenaires sexuellement actifs et cela affecte leurs relations sociales. « Les chimpanzés résolvent les questions sexuelles par le pouvoir, les bonobos les questions de pouvoir par le sexe », dit le primatologue Frans De Waal, directeur du Yerkes Primate Center d’Atlanta (Etats-Unis).

Un fait intéressant est que chez les bonobos, le nid (même temporaire, construit en une minute avec trois branches) devient le territoire sacré du propriétaire. Les étrangers n’y sont pas autorisés. Vous pouvez y aller avec une friandise, et personne ne vous dérangera.

Si vous étiez un chien, vous diriez que la principale ressource est un humain ! Il possède des poubelles, des croquettes, des frigos, des restes. Et si vous pliez les sourcils (à l’aide des muscles spéciaux que les loups n’ont pas, situés au-dessus des yeux), vous pouvez aussi mendier à table. L’accès à la reproduction ? Ne parlons pas d’animaux de compagnie, c’est peu intéressant (du point de vue comportemental, car la reproduction est gérée par le propriétaire). Des études menées en Inde, en Italie et aux Etats-Unis ont démontré que les groupes des chiens errants sont constitués de plusieurs mâles et plusieurs femelles, sans hiérarchie stricte. Dans ces groupes on observe des sous-groupes temporaires de mâles se former autour d’une femelle en chaleur. « Celle-ci choisit son ou ses partenaires en fonction de la familiarité et non en fonction de la position hiérarchique ou de la taille » (vetopsy.fr).

Et qu’est-ce qu’une ressource pour un humain ? Doit-on la partager ? Que pouvons-nous vraiment donner et recevoir ? Et quand ? Et pourquoi ?

Les enfants détestent quand vous leur dites « tu dois partager ». Et pour cause ! Ils ne comprennent pas encore à quoi ça sert. Les liens sociaux ce n’est pas encore leur préoccupation, mais plutôt de leurs parents. Puis ils grandissent et découvrent un monde dans lequel le partage, normalement, génère un retour. Parfois il y a des exceptions et des « victimes » adultes viennent voir les psys : « Je donne tellement mais rien en retour ». A la question « Pourquoi donnez-vous autant ? « , la personne répond : a) « J’ai été élevé comme ça » ; b) « Je suis ainsi fait » ; c) « Je sais que je ne devrais pas, mais c’est plus fort que moi. »

Commençons par le côté moral de la question. Jacques Brel chantait : »…même qu´il donnerait sa chemise à des pauvres gens heureux… « , mais cette expression avait, initialement, une signification beaucoup moins amicale : « … Si quelqu’un veut te faire un procès pour te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau. » (Matthieu 5:40 – BFC…). Ce n’est pas tant la signification de cette phrase qui est importante (les théologiens et les historiens se disputent encore son interprétation), mais son contexte. Il n’est pas difficile de comprendre que nous parlons d’un conflit juridique.

Mais c’est vrai, diraient les loups : les réclamations ne sont acceptées que des chefs, et ensuite, oui, on donnera et la chemise, et le manteau, et tout le reste, car on doit chasser ensemble et nous sommes une meute. Mais les loups ont comme objectif la survie de leur espèce et une hiérarchie rigide. Et nous, qu’avons-nous ?

Revenons aux (res)sources. Je suggère à chaque client d’écrire une liste de ses ressources : des finances personnelles, des biens, des compétences, des personnes de son entourage (oui, les personnes sont aussi des ressources).

  • Le temps vient en premier pour certains, comme ressource principale. Cela est particulièrement vrai pour ceux dont les jours sont encombrés par des personnes et des actes « chronophages ». A vrai dire, nous avons tous un ami chronophage. Mais le pire, c’est quand vous-même vous-êtes un ami/collaborateur/collègue « chronophage » de quelqu’un.
  • Puis, beaucoup de personnes découvrent soudain que leur capacité de communiquer est limitée. Les introvertis, cependant, le savent depuis toujours. Mais les extravertis, beaucoup plus nombreux, réalisent un jour que le désir de partager, de parler et de participer peut soudainement prendre fin. Beaucoup d’entre eux sont inquiets, ils tombent en quasi-dépression et « ne se reconnaissent plus ». Guys, vous manquez de ressources. Rien de dramatique. Demandez à un introverti comment il vit dans « le silence social ». S’il décroche le téléphone, bien sûr, et vous répond à cette question.
  • Tout comme le temps, c’est toujours une question de priorités, contrairement à la nourriture et au sexe. L’argent est une ressource avec laquelle vous vous sentez plus à l’aise, mais avec le choix, en bonus. Acheter un nouveau sac de marque ou partir en voyage ? Ou organiser une grande réception ? Chacun a ses propres besoins et priorités et le flux d’argent y est dirigé. Mais les priorités changent avec le temps : vous n’allez pas porter des chaussures inconfortables (et chères) toute votre vie, je vous le garantis.
  • Il donne accès à des privilèges, certes, mais vous pouvez également rendre le monde un peu meilleur. Ce sont toujours les priorités personnelles.
  • Eh oui, c’est l’une de nos ressources les plus importantes, celle qui demandent des efforts sociaux. Chaque personnalité passionnée, habile et généreuse est une ressource potentielle pour quelqu’un. Mais plus on a de pouvoir et/ou de l’argent, plus on a de doutes : suis-je une ressource pour mes qualités ou pour ce que je possède ?

Resourcefulness est un concept psychologique largement utilisé en management, apparu il y a environ 40 ans aux Etats-Unis. Il signifie que vous pouvez devenir « plein de ressources » si vous apprenez à être autonome. C’est avant tout la capacité à résoudre rapidement et efficacement des problèmes qui peuvent apparaître dans votre vie professionnelle et personnelle. Il s’agit d’être ingénieux et débrouillard. Cela permet de trouver rapidement non seulement des informations nécessaires, mais également les connecter les unes aux autres. Il s’agit de pouvoir se concentrer sur la recherche de solutions, afin d’optimiser le temps et l’énergie de manière que nous ayons du temps pour l’essentiel – pour nous-mêmes.

Que pouvons-nous partager ? Ce que nous avons en abondance. Pour chaque ressource vous êtes soit en équilibre, soit en déficit, soit en surplus. Si vous êtes en déficit, soyez clair avec votre meute : « Guys, il faut attendre, je n’ai plus de ressource (temps, argent, aide…) ». Dites-le honnêtement, car s’ils insistent, vous allez peut-être répondre soit par « fight », soit par « flight » : une agression ou un mensonge.

Car vous n’êtes pas un bonobo.

Wolf Project 2020

Image : Artist Marie Beschorner (http://www.companyofwolves.de)